6 juin 2008

Construction d'une frayère à brochet sur le lac de Treignac (Corrèze)

Le brochet, on le sait, connaît de sérieuses difficultés pour se reproduire dans les retenues artificielles soumises à d'importants marnages, notamment les retenues EDF sur lesquelles ces fluctuations de niveau sont fréquentes en début d'année (période de production intensive d'électricité).
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Les systèmes de frayère artificielles flottantes qui ont pu être testés par le passé se sont dans la majorité des cas distingués par leur quasi totale inefficacité, du moins pour le brochet qui demande des conditions très difficiles à recréer de façon artificielles. Il ne suffit pas, en effet, de lui fournir un support de ponte, il faut que d'autres paramètres soient réunis pour permettre l'éclosion puis la survie des larves et alevins. En fait, il faudrait recréer de toutes pièces tout un écosystème.

C'est pour cette raison que, pour l'instant, la seule solution réellement efficace pour maintenir une population de brochets valable sur ces retenues reste l'alevinage et l'empoissonnement. Solution certes fonctionnelle mais à la fois coûteuse sur le long termes et peu écologique, avec des risques d'introduction de parasites et maladies.

Une nouvelle alternative est en train d'être testée en Corrèze, sur le barrage de Treignac. Ce site va en quelque sorte servir d'expérience pilote, et si le système fonctionne il pourrait être mis en service sur d'autres retenues du département et, pourquoi pas, d'autres départements (le Cantal voisin serait intéressé et suit l'expérience de près).

Cette alternative consiste à créer une frayère naturelle en construisant un étang dans le lac. Une digue de 100 mètres de long et environ 2m de hauteur a été construite de façon à fermée une anse dans laquelle coule un petit ru. Cette anse a été choisie parce qu'elle possède déjà les caractéristiques d'une frayère à brochet (de la reproduction y a été constatée par le passé).

La digue est submersible, et sera donc sous l'eau quand le lac sera à sa côte maximum. Quand le lac baisse la frayère reste en eau. Sa superficie est de 2 500 m2, ce qui est relativement modeste (le lac fait une centaine d'hectares), mais devrait permettre à quelques couples de géniteurs de frayer dans de bonnes conditions.

Je passe sur les détails techniques et biologiques qui sont assez complexes et difficile à maîtriser (fourrage, cannibalisme, prédation, durée d'incubation, etc.)
La production attendue se situe quelque part entre 500 et 2000 fingerlings, qui regagneront ensuite le lac par un système de vidange. Aujourd'hui, l'apport par empoissonnement se situe autour de 500/600 poissons par an, pour un montant de 1500 euros environ (150 kg à 10 euros le kg).

Le coût de l'opération est d'environ 20 000 euros, financés à 50 % par l'agence de l'eau. Le conseil général et la FNPF mettant également la main à la poche, le coût supporté par la fédération de pêche et l'AAPPMA sera d'environ 4 à 6000 euros.

Si le système mis en place fonctionne, il pourrait donc être amortit en 4-5 ans (hypothèse optimiste). On peut également imaginer que de multiples frayères de ce type soient créées sur un barrage, ou encore d'en créer de superficie plus importantes, selon la configuration des lieux.

Ce projet a évidemment l'avantage d'être "naturel", de produire du poisson sur place, donc plus sauvage et mieux acclimaté aux caractéristiques de l'eau du lac, de rendre l'AAPPMA autonome vis à vis des pisciculteurs, mais aussi (et peut-être surtout) de sensibiliser l'opinion publique aux problèmes de reproduction liés aux marnage, tout en responsabilisant EDF.

D'ailleurs une équipe de FR3 Limousin était présente pour filmer la fin des travaux (une semaine de terrassement), et interviewer le président de l'AAPPMA ainsi que Jean Claude Priolet, président de la fédé de Corrèze.

L'aspect médiatique est important car il faut bien dire que jusqu'à présent ce problème de marnage (pourtant aigu et récurrent) était soigneusement "ignoré" de tous les acteurs politico-économique, partant du principe que si l'on n'en parle pas le problème n'existe pas...

Quoi qu'il en soit, il faudra maintenant attendre mai 2009 pour savoir si ce système de frayère est viable, et quelle est son efficacité. Et encore, il faudra sans doute plusieurs années pour que la gestion de ce type de mini batardeau soit bien maîtrisée et que l'on puisse tirer des conclusions solides.