26 septembre 2007

Poissons trophées : garder ou relâcher ?

J'ai lu avec plaisir l'article de Marc Delacoste dans le n° d'octobre de la Pêche et les Poissons, intitulé " Poissons trophées : garder ou relâcher ? ". Avec plaisir car la théorie qu'il défend je la défends également et la pratique depuis quelques années, convaincu que c'est la bonne marche à suivre.

De quoi s'agit-il ? Marc part du constat -très réaliste- qu'aujourd'hui les pêcheurs se positionnent en trois catégories sur le sujet du no-kill :

- Ceux qui gardent tout ce qu'il ont le droit de garder.
- Ceux qui relâchent tout sans distinction.
- Ceux qui relâchent une partie de leurs prises ne conservant que ce qu'ils ont envie de manger, à l'occasion.

Pour les deux premières catégories, la question "qu'est-ce que je garde et qu'est-ce que je relâche" ne se pose pas, mais pour la troisième catégorie, dont je fais partie comme de nombreux pêcheurs responsables, il y a un choix à faire.

Une pratique très répandue consiste à se fixer une "maille" très supérieure à la TLC légale. Par exemple garder les (ou "quelques", ou même juste "un par an") brochets de plus de 80 cm, sandres de plus de 70 cm, truites de plus de 40 cm, etc.

Même si ce principe part d'un bon sentiment, je pense qu'il n'est pas bon, en tout cas il n'est pas logique. Cela revient à accorder plus de valeur à un brochet ou sandre de 60 cm qu'à un gros et vieux sujet, alors que nous savons tous que les premiers sont abondants et les seconds nettement plus rares.

Si l'on relâche des poissons, c'est bien dans le but de conserver leurs populations à un bon niveau pour que leur pêche reste la plus productive et intéressante possible. Or une pêche intéressante passe par la capture, la plus fréquente possible, de beaux spécimen. Prélever ces derniers en priorité c'est donc se tirer une balle dans le pied...

Marc rappelle que dans toute population se reproduisant dans de bonnes conditions il existe une pyramide des âges. Les petits sujets sont très abondants, les moyens le sont moins, les gros sont rares : c'est un phénomène normal, lié à la mortalité naturelle (qui est d'après Marc de 50% par ans pour chaque classe d'âge. Partant de là, prélever un petit poisson ou un gros n'a pas du tout le même impact.

Prenons un exemple purement théorique : une population de sandres maillés comprenant 100 sujets de 40 cm, 50 sujets de 50 cm, 25 de 60, 12 de 70, 6 de 80 et 3 de 90 cm, soit un total de 196 poissons.

Si je garde un poisson, j'ai prélevé 0,5 % de la population totale, ce qui est négligeable. Mais si on rapporte ce poisson à chaque classe de taille, alors j'ai prélevé selon les cas :

- 1 % de la classe 40 (dont chaque individu n'a qu'une chance sur 32 d'arriver à 90 cm)
- 2 % de la classe 50 (dont chaque individu n'a qu'une chance sur 16 d'arriver à 90 cm)
- 4 % de la classe 60 (dont chaque individu n'a qu'une chance sur 8 d'arriver à 90 cm)
- 8 % de la classe 70 (dont chaque individu n'a qu'une chance sur 4 d'arriver à 90 cm)
- 16 % de la classe 80 (dont chaque individu n'a qu'une chance sur 2 d'arriver à 90 cm)
- 33 % de la classe 90

Je le répète, cet exemple est théorique et ne correspond pas aux densités, croissances et mortalités réelles, mais il illustre bien le fait que plus un poisson est grand et vieux, plus il a de valeur, au moins halieutique, ne serait-ce que par sa rareté.
On peut objecter que petit poisson deviendra grand, et que si on le relâche c'est justement pour qu'il puisse grandir. Mais il n'est pas logique de relâcher un poisson dont les chances naturelles de devenir un trophée sont faible, pour ensuite conserver celui qui a surmonté tous les obstacles pour y parvenir.

Dans mon exemple un sandre de 80 cm a 8 fois plus de chances d'arriver à 90 qu'un sandre de 50 cm. Si l'on prélève en essayant de préserver ses chances futures et la qualité de la pêche, alors garder deux poisson de 50 a beaucoup moins d'impact qu'en garder un de 80.

C'est où je voulais en venir. Si l'on conserve pour le plaisir de la table, alors il est préférable de garder deux sandres de 60 cm qu'un de 80, deux brochets de 50 qu'un de 70, deux truites de 25 qu'une de 35, deux perches de 35 qu'une de 45, etc. Certes ramener un poisson de taille ordinaire à la maison est sans doute moins valorisant, mais il existe des appareils photos numérique pour immortaliser ses belles prises et prouver sa valeur si l'on en ressent le besoin.

Mon propos ne vise évidemment pas à vous inciter à conserver des petits poissons à tour de bras. L'idéal étant, je le rappelle, de ne conserver que ce dont on a juste besoin pour un repas, et de ne pas répéter l'opération trop souvent. Mais si l'on choisit de conserver, alors faisons le de façon à préserver au mieux nos populations de belles pièces et l'avenir de notre loisir.

11 commentaires:

Steph.H a dit…

La démonstration se tient tout à fait du point de vue de la logique.
Malgré tout, il est probable que de nombreux pêcheurs, parmi ceux qui ont adopté un comportement de moindre impact sur le milieu en remettant la majorité de leurs prises à l'eau, continueront après lecture à conserver leur trophées plutôt que le menu fretin.
Au-delà de la fierté que procure la présentation d'une grosse prise à son entourage, motif que tu évoques et qui participe à ce choix "irrationnel" de conserver fréquemment les plus gros poissons, je perçois une autre raison, conjoncturelle, à cette situation.

Par manque de place et de confort dans cette fenêtre, j'ai développé ma remarque sur mon blog ;-).
http://stephane-hadjoudj.blogspot.com/

Michel Tarragnat a dit…

très bien vu. Je n'avais pas développé sur les motivations pour ne pas lourdir le texte, mais je partage complètement ton analyse.

D'ailleurs la majorité des "relâcheurs" actuels sont passés par tous les stades que tu décris. C'est pourquoi je fais bien attention à ne culpabiliser personne.

Mon objectif n'est pas de "dénoncer" une pratique, mais de faire réfléchir.

Michel

Anonyme a dit…

Bonjour, très bonne analyse qui se tient ! Je suis un pêcheur assidu et je gracie toutes mes prises sauf un ou deux carnassiers par an , que j'invite à ma table, en général, un brochet et un sandre.Jamais de grosses perches,de truites ou de black-bass que je considère comme trop rares.
Pour le black-bass, je m'imagine pas en conserver, c'est assez irrationnel, car dans certains spots le black est beaucoup mieux représenté que le brochet..... mais ce poisson est tellement ludique !!
Je ne peux vraiment pas les garder!
Je me tiens rigoureusement à cette ligne de conduite "personnelle".
Pour ce qui est de la taille , je me suis fixé une maille ! Je garde un brochet et un sandre dans la fourchette 60-80 cm .Tout ce qui est plus petit et plus gros repart à l'eau.Biensûr, je garde un souvenir photographique de mes partenaires de jeu.En fait,je suis très souvent à la pêche donc je considère mon prélèvement comme vraiment dérisoire sur une année de pêche, de l'ordre de 1 à 2 pour cent.
J'ai des amis qui font du 100% nokill, c'est facile pour eux, ils n'aiment pas le poisson ( ils préfère le mac do!!!). Moi, j'adore cuisiner et manger et je dois dire qu'un brochet au beurre blanc est toujours un moment exceptionnel pour le palet.
Un moment que j'aime partager avec des amis, en général nous sommes entre 6 et 8 à table.Pour un tel repas un beau poisson est nécessaire et je ne m'imagine pas cuisiner plusieurs brochets de 50 , en plus , je trouve les poissons plus gros bien meilleurs , la qualité de la chair, la texture !! Mais ça n'engage que moi!
Tout ça pour dire que cette dimension culinaire, le plaisir de consommer une prise est aussi une donnée du problème;
Même si j'adère à la logique de votre démonstration, je ne suis pas pas sûr d'avoir envie de la mettre en pratique pour l'instant.
On verra dans le futur !
Pour la sauvegarde des populations de carnassiers, il faudrait déjà dans un premier temps empêcher les viandards de nuire en instaurant des quotas.

cordialement.
Nicolas

Unknown a dit…

belle prise , belle photo mais quelques huitres c'est bien aussi !!!!!!!!!!!!!!!!!comprenne qui voudra !!!!!!!!!

Anonyme a dit…

Alors moi je ne suis pas du tout d'accord avec le principe de relacher les gros sujets.

La raison est simple, c que les gros sujets une fois retirer du milieu naturel laisse la place au plus jeunes, et cela j'en ai parler avec des pecheurs chrevronné mais aussi avcec des gardes de pêche (fédérales), et je pense qu'ils savent de quoi il parle. D'ailleurs parlez-en un une personne pêchant uniquement la truite, il vous dira quel importance cela a de retirer les plus gros sujets d'une rivière (bien évidement il ne faut pas non plus allez trop loin dans ce raissonnement car tout abus est récupérable qu'après de longue années)

Par contre je reconnait que pour le pêcheur sportif cela n'est pas forcément le mieux car un brochet de 10 kilos est très agréable à prendre et s'il peut être pris par plusieurs pêcheurs, cela est magnifique.

A.C.

Michel Tarragnat a dit…

Si l'abondance de gros brochets en France faisait de l'ombre aux plus jeunes sujets et nuisait au recrutement, je pense qu'on s'en serait aperçu :)

Par ailleurs, j'ai tendance à penser que cette histoire de vieux poissons qui déséquilibreraient une population est cousue de fil blanc. Dans un tout petit biotope genre étang ou ruisseau, où la place et la ressource sont comptées, c'est un fait, mais dans un biotope "normal", je n'y crois pas du tout.

J'ai eu la chance de pêcher dans pas mal d'endroits de la planète où les populations étaient vierges de toute pression de pêche ou tout au moins exemptes de prélèvement, avec une forte densité de gros sujet. Et je n'ai jamais remarqué que les jeunes sujets manquaient à l'appel, bien au contraire.

Donc je persiste à penser que dans l'intérêt de tous, il est préférable de garder quelques sujets de taille modeste qu'un poisson trophée, qui comme vous le dites très bien pourra faire le bonheur d'un autre pêcheur. On contribue ainsi à améliorer la qualité de la pêche, à défaut de soutenir les populations.

MT

Unknown a dit…

Ben oui ça se tient, et c'est aussi le règlement en Irlande, on peut garder un brochet par jour de moins de 50cm...

Ramone

Anonyme a dit…

je comprends parfaitement ton raissonement et je l'approuve, etant no killeur je ne me pose d'ailleur pas la question, juste une chose qui m'intrigue c'est au niveau des poissons reproducteurs, on dit souvent qu'il faut garder les gros car etant sterile et relacher les sandres de 2 a 4 kg car etant potentiellement meilleur reproducteur, dans ce cas ne faut t'il pas mieux conserver un sandre de 90 et relacher un sandre de 60 ????????

Michel Tarragnat a dit…

La stérilité des gros poissons est un sujet mal documenté, et je n'accorde pas trop de crédit à ces "on dit".

Si un poisson devient stérile, c'est avec l'âge (individu sur le déclin). On ne peut se fier à la taille, qui dépend certes de l'âge mais aussi et surtout de la vitesse de croissance. Comment, alors, déterminer si un gros sujet est vieux ou pas, stérile ou pas ?

Par ailleurs, le nombre d'oeufs et leur qualité n'est un facteur limitant que si toutes les conditions sont optimales par ailleurs (frayères, niveaux d'eau). Ce qui est devenu très rare en ce qui concerne le brochet.

Il vaut donc mieux , je pense, gérer ses prélèvements en fonction des populations existantes qu'en fonction d'un hypothétique recrutement.

Ceci étant dit, le prélèvement -par nature exceptionnel- d'un très gros sujet (par exemple un brochet de 1m20, un sandre du mètre, etc.) est moins préjudiciable à mon avis que le prélèvement régulier de poissons dans la force de l'âge : brochet ou sandre de 75-90 cm, perche de 40-50 cm, qui sont à la fois de très bons reproducteurs et des trophées en puissance.

Personnellement je ne conserve jamais de brochet ni de bass, espèces en difficulté dans trop d'endroits.
Je garde et consomme occasionnellement un sandre de 60-65 ou une perche de 35-40 et relâche les plus gros specimen (sauf accident : décompression, blessure mortelle).

Anonyme a dit…

Je suis tout à fait d’accord avec ton raisonnement, et comme toi il m’arrive de temps en temps de garder un poisson (accident : triple dans les ouïs ou problème de décompression, ou alors pour le manger), j’en ai gardé 2 cette saison: un bar et un broc pris en 1ère cat sur une superbe section à truites, (ces deux poissons représentent 0.4% des poissons que j'ai pris cette saison). De même que lorsque j’entends parler d’un maille entre parenthèses, par exemple :
« Sandre : capture autorisée entre 40 et 55 cm, puis à partir de 80 cm
Brochet : entre 50 et 60 cm, puis à partir d'1 m
Bass : entre 30 et 40 cm, puis à partir de 60 cm. Mais No kill total si possible pendant plusieurs années en raison de la haute valeur halieutique et de la faible répartition territoriale de ce poisson. » Forum Prédators http://forum.river-predators.com/viewtopic.php?id=58&p=1
Je suis d’accord mais avec des réserves car pour qu’une telle politique de garde des poissons soit mise en place cela suppose une responsabilisation des pêcheurs, hors les personnes susceptibles de vraiment l’appliquer sont ceux qui le pratiquent déjà avec le no-kill sélectif ou total, hors il est impossible de mettre un garde derrière chaque pêcheur !
Par contre une mesure qui me plairait beaucoup serait la mise en place d’une journée de « formation » obligatoire pour les pêcheurs, jeunes ou non afin de les sensibiliser à la fragilité du milieu qu’ils fréquentent.
Enfin une petite pensée pour finir : Catch & release si tu veux qu'un jour tes enfants puissent prendre autant de plaisir que toi à la pêche.
Tight lines
Yannick

Anonyme a dit…

Bien d'accord sur le principe dévllopé dan cet article, même si il est pas facile de concilier l'apect gestion (trés rationnel) et l'aspect pêche passion du carnassier !

Quand on pratique un No Kill quasi systématique (prélevement plutot lié aux poissons trop abimé pour bien repartir), on aborde plus assez le problème sous cet angle !... on devrait pourtant garder ca a l'esprit dés lors qu'on pêche

L'idée d'une taille mini et maxi me semble pas bête pour ceux qui veulent prélever raisonnablement, c'est faire preuve de bon sens a condition de prendre aussi en compte le lieux et la densité je pense, parceque:
- si statistiquement la proportion de brochet de 70 est la même d'une eau a une autre , toute les rivières ou plans d'eau n'ont pas les mêmes densitées.
-par conséquent quitte a prélever d'après une maille mini et maxi qu'on se fixe a l'avance celles ci doivent ausi tenir compte de la population du spot péché ... par exemple sur un lac faiblement peuplé on peut carrément imaginer de ne pas prélever d'individus ...ou encore sur un lac ou la fraye a été trés bonne (et ou les brochetons pullulent au point de servir de proie au + gros...j'ai vu ca récement)garder des brochets ave une maille revue a la baisse aura un impact plus faible !

C'est énervant quand on prélève pas (ou quasi pas) de se dire que c'est juste du bon sens , alors que beaucoup trop de "pécheurs" ne reflechisent même pas une seconde a l'impact de leur prélevement !

philippe