12 août 2007

Faut-il se réjouir de la pollution ?

Formulée ainsi la question peut passer pour une provocation. Et bien sûr s'en est une.
La vraie question est "Peut-on se réjouir de l'interdiction de la consommation du poisson de nos lacs et rivières pour cause de pollution aux métaux lourds ou PCB ?". (un lien sur le sujet)
Mon sentiment est que oui...


Mais sûrement pas pour les mêmes raisons que j'ai pu lire un peu partout sur les forums de pêcheurs "modernes". A savoir que ces mesures de précaution font de certains de nos fleuves de gigantesques parcours "no kill", qu'elles vont décourager les "viandards", etc. J'ai même pu lire, comble de la bêtise, qu'avec un peu de chance ces fameux "viandards avaient consommé assez de pois(s)on pour être contaminés à leur tour.

Avec ce genre de raisonnement égoïste et "petit-boutiste" on est vraiment dans l'idéologie de bas étage ou dans
l'humour aussi lourd que les métaux en question. Même si la comparaison est osée, ça me fait penser à certains catholiques intégristes qui se réjouissaient de l'apparition du Sida au motif que cela allait forcer les fornicateurs à l'abstinence.

On oublie l'essentiel, qui est que les poissons vivent dans l'eau et sont les premières victimes de ces pollutions même si elles
ne les tuent pas forcément.
Mais aussi qu'avoir des eaux riches en poissons impropres à la
consommation humaine ne peut en aucun cas être considéré comme une victoire ou un progrès, sauf à considérer notre environnement comme un simple "terrain de jeu", quelque chose dont nous ne ferions pas vraiment partie.

Dans ces conditions, comment peut-on trouver dans ces nouvelles motif à se réjouir ? Tout simplement parce que ces pollutions, qui existent depuis longtemps, n'avaient jamais été vraiment prises en compte. Ne pas reconnaître la gravité de la situation, c'était se dispenser de s'attaquer à ses causes.
Et c'est ce qui est en train de changer : le mythe de l'amélioration de la qualité des eaux ("dormez braves gens, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles") est en train de tomber. Il y a eu des efforts de faits, c'est certain, mais les excès du passé et du présent ont laissé des traces irréversibles.

On peut donc supposer (ou alors c'est à désespérer de tout) que cet "aveu de pollution" et la psychose qu'elle entraîne aboutiront à un durcissement de la législation sur les rejets polluants et à des contrôles plus contraignants. Voire même, on peut rêver, qu'elle incitera nos élus à se pencher un peu mieux sur le cas de l'agriculture moderne, de ses pesticides, insecticides, désherbants et autres OGM qui nous préparent des lendemains qui déchantent.

En résumé, puisque cette pollution est là, autant en parler et médiatiser l'affaire au maximum, puisque dans ce genre d'affaire il n'est rien de pire que l'ignorance et l'indifférence. Quant à se réjouir de la désertion des "viandards", c'est voir le monde au travers du prisme déformant de son propre nombril.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Votre analyse est d'une grande richesse, et vos commentaires ne risquent pas de vous faire que des amis!!! J'ai tout particulièrement aimé:"Quant à se réjouir de la désertion des "viandards", c'est voir le monde au travers du prisme déformant de son propre nombril." Je suis parfaitement de votre avis sur toute la ligne, mais je pense que je ne l'aurai pas aussi bien restitué sur le papier.

Beaucoup oublient également que les viandards prennent leur carte, et permettent par notre nombre de faire avancer les choses. Les bannir, c'est donc en quelque sorte nous bannir et montre aux yeux extérieurs qu'on a nos problème qu'on ne sait pas gérer, et surtout, qu'on est divisé parce que certains sont bien incapables de changer leur vision des choses. Si chacune de ces deux catégories de personnes pouvait ouvrir les yeux... (ceux qui ne comprennent pas qu'il y a aussi autrechose que du poisson à manger et ceux qui se croient les dépositaires d'une mission divine). La pêche pourrait tout gagner en dépensant notre énergie sur des problèmes autrement plus importants (pollutions, chenalisation des rivières, cormorans, etc...).

Alexandre 77

Anonyme a dit…

D'accord sur le fond de l'article !

Il reste qu'au vu du commentaire précédent ceux qui se définissent viandard avaient besoin d'une pollution massive (alors que ca dure depuis bien trop longtemps) qui les touchent a l'estomac , pour enfin réagir !
Peut être enfin l'occasion pour eux "de changer leur vision des choses"
Une telle pollution ne peut être réjouissante , seule une réelle prise de cosncience serait un motif de se réjouir !

Unknown a dit…

Bravo pour cet article.
Complément d'infos ici : http://www.actu-environnement.com/ae/news/pcb_rhone_contamination_3262.php4

Il serait très étonnant que la Seine ne soit pas contaminée à des niveaux comparables au Rhône...